Mercredi 9 décembre
Le débat sur l’identité nationale à l’Assemblée,
voulue par le groupe UMP, a fait long feu. Au maximum les députés présents
n’étaient qu’une cinquantaine, et ils n’étaient plus qu’une douzaine à la fin
de l’intervention d’Éric Besson. Maurice Leroy, vice-président du Nouveau
Centre, avait déclaré avant la séance : « À force de jouer avec
l’identité nationale, il peut y avoir un effet boomerang dont on mesurera les
premiers effets aux élections régionales : on ne joue pas avec le Front
national ! » MM. Sarkozy et Besson auraient-ils joué les apprentis
sorciers, c’est la question que se pose la majorité.
Le Monde titre
aujourd’hui : « Le débat sur l’identité tourne au débat sur
l’islam. » Rien de plus juste,
nous nous en étions aperçus depuis un certain temps. On pourrait donc intituler
l’opération : « Débat sur la laïcité. »
À ce propos, ce qui frappe l’historien, c’est tout de
même la faible passion qui anime le public et les politiques eux-mêmes sur la
deuxième religion de France. La loi de Séparation entre les Églises et l’État,
qui s’est révélée finalement une loi d’apaisement, n’avait pas été votée dans
une parfaite sérénité. Pour maint orateur de gauche, l’Église, et même la
religion était à abattre. Le député socialiste Maurice Allard n’y avait pas été
par quatre chemins : « Quelle est la séparation que nous voulons ?
Ce ne peut être que celle qui amènera la diminution de la malfaisance de
l’Église et des religions. » Il allait même plus loin : « Il
faut le dire très haut : il y a incompatibilité entre l’Église, le
catholicisme ou même le christianisme et tout régime républicain. Le
christianisme est un outrage à la raison, un outrage à la nature. Aussi je
déclare très nettement que je veux poursuivre l’idée de la Convention et
achever l’œuvre de déchristianisation de la France. »
Ce n’était certes pas le langage de Jaurès, et Allard
était minoritaire même dans le courant socialiste. Du moins, la violence de son
intervention témoigne d’un fait qui a complètement disparu de nos jours :
quoi qu’on pense de la religion — chrétienne, islamique ou autre —, aucun
acteur public ne se risquerait à attaquer de front les appartenances
religieuses et leurs fondements. Le catholicisme a cessé d’inquiéter les
républicains en raison de son déclin et aussi en raison du ralliement de ses
fidèles aux principes républicains, y compris à la laïcité qu’ils combattaient
en 1905 avec ferveur et avec l’appui du pape. L’islam, sans doute, fait peur à
beaucoup, mais c’est moins en raison, me semble-t-il, de la religion proprement
dite, qu’en raison d’une situation internationale où l’islamisme mène une
guerre accompagnée de terrorisme ; et en raison d’une marginalisation
d’une partie des enfants d’immigrés entraînés dans la violence. Les émeutes de
novembre 2005 en France autant que les attentats du 11 septembre à New-York ont
provoqué l’amalgame funeste entre islam et islamisme, entre population
musulmane et délinquance. Sans ce contexte, il n’y aurait sans doute pas de
problème religieux. La religion dans la France d’aujourd’hui n’est pas, n’est
plus un casus belli entre les
habitants. Il me paraît regrettable que notre Président et son ministre
concentrent leurs discours sur — façon de parler — les « minarets ».
Rachid Benzine, islamologue à l’observatoire du
religieux d’Aix, a eu le mot juste dans Libération de ce matin : « Pourquoi confessionnaliser
ainsi la société ? » Voudrait-on le retour des Maurice Allard ?
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