Mercredi 10 février
« François Fillon calme le jeu sur l’identité nationale » (La Croix), « Identité nationale : le fiasco de Besson » (Libération ), « Identité nationale : M. Fillon cherche une voie de sortie. » (Le Monde)… Le fameux débat qui devait se conclure par un grand colloque a pris fin sous la forme d’un modeste séminaire interministériel, au terme duquel le Premier ministre a annoncé quelques mesures — lesquelles, bonnes ou dérisoires, auraient pu être prises sans le remue-ménage médiatique d’un pseudo-débat qui a semé le trouble.
Est-ce à dire qu’une interrogation sur ce qu’a été et sur ce qu’est devenue notre communauté historique et politique, c’est-à-dire la République française, ne peut être l’objet d’une réflexion ? Le mot « identité » est dangereux car il appelle l’Autre à s’aligner sur le Même : une définition sur laquelle il faut se modeler, alors que M. Besson n’a cessé de parler de la diversité, de la pluralité de la société française. Surtout, un débat organisé par le gouvernement, via les préfets et les sous-préfets, à quelques semaines d’un rendez-vous électoral, c’était une bien pauvre idée. Au demeurant, je crois intéressant et légitime de s’intéresser à la nation française et à son avenir : elle ne dispose d’aucune assurance-vie dans un monde globalisé. Comme disait Ernest Renan : « Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé. Elles finiront. La confédération européenne, probablement, les remplacera. » Et Émile Durkheim : « Ce que nous montre bien l’histoire c’est que toujours, par une véritable force des choses, les petites patries sont venues se fondre au sein de patries élargies plus larges et celles-ci au sein d’autres plus grandes encore. Pourquoi ce mouvement historique, qui se poursuit dans le même sens depuis des siècles, viendrait-il tout à coup à s’arrêter devant nos patries actuelles ? […] Sans doute, nous avons envers la patrie d’ores et déjà constituée, dont nous faisons partie en fait, des obligations, dont nous n’avons pas le droit de nous affranchir. Mais, par-dessus cette patrie, il en est une autre qui est en voie de formation, qui enveloppe notre patrie nationale ; c’est la patrie européenne, ou la patrie humaine. »
Ce sont là des affirmations qui pouvaient passer en leur temps (avant la Grande Guerre) pour des vues de l’esprit. Même si nous observons, contrairement à l’affirmation de Durkheim et en connaissance de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, que le mouvement historique dont il parle n’est certes pas linéaire, nous sentons bien aujourd’hui en France que la nation et l’État-nation sont des réalités sérieusement ébranlées — en tout cas dans leur conception du XIXe siècle. Voilà pourquoi il me paraît utile d’en parler, mais certainement pas avec une crispation obsidionale.
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.