Samedi 30 janvier
La « burqa » — oui, même si ce n’est pas le mot exact, mais on s’y perd entre niqab, haïk, jilbab, hidjab, tchador, et chacun de dire « burqa » pour parler du « voile intégral » — la burqa aura été et sera sans doute encore une manne pour la presse. La mystérieuse femme voilée a d’abord orné la couverture du Nouvel Observateur (17 décembre), puis celle du Point (21 janvier), enfin celle du Monde magazine (30 janvier), et j’en passe. Les interviews des protagonistes se multiplient, à croire qu’on les rencontre à tous les coins de rue comme en Arabie. « Je ne suis pas un vulgaire morceau de chair à l’étalage mais une femme », dit l’une. « On fait peur car nous revendiquons haut et fort le droit de pratiquer notre religion », dit une autre. Wassyla Tamzali, militante du mouvement féministe maghrébin, réplique : « Il faut mettre en avant ce qui peut y avoir d’offensant, pour une conscience moderne, qu’elle soit religieuse ou athée, dans la burqa. C’est une pratique inadmissible au XXIe siècle, que nous refusons même en Afghanistan. Comment peut-on encore en discuter en France ? C’est le monde à l’envers ! Cela devrait couler de source… »
Alors, loi ou pas loi ? Le rapport Gerin, remis le 26 janvier, suggérait une consultation du Conseil d’État. Sur quoi M. Fillon confie à celui-ci le soin d’« étudier les conditions juridiques permettant de parvenir à une interdiction du port du voile intégral que je souhaite la plus large et la plus effective possible ».
Pour Pierre Moscovici (PS), « une loi contre la burqa, c’est de la démagogie. » André Bercoff, très remonté, s’exclame : « Si notre continent est appelé à devenir un appendice vassalisé du Talibanistan, il n’y a effectivement qu’à laisser faire. Est-ce vraiment ce que veulent les hiérarques d’un parti qui ose se dire socialiste ? » Anne Zelensky, présidente de la Ligue du droit des femmes s’insurge : « La relégation des femmes au statut d’inférieures, avec son symbole, la burqa, est-elle digne de respect et compatible avec l’égalité des sexes inscrite dans la Constitution française ? Ont-ils [nos beaux esprits] idée de l’agression symbolique que représente ce suaire pour nous, femmes et féministes qui nous inscrivons dans un long combat de libération ? » Raphaël Liogier, directeur de l’Observatoire du religieux (Sciences-po d’Aix-en-Provence) fustige, lui, l’idée d’une loi « inique » et, pour étayer sa démonstration, y va d’une comparaison époustouflante à clore définitivement le débat : « À vrai dire, je ne me sens pas plus agressé par une musulmane voilée de pied en cap que par une personne bardée d’un costume sombre et de lunettes noires sortant d’une limousine aux vitres teintées. »
(à suivre)
Je découvre votre blog, l'une des plus élégantes contributions à ce débat. Merci!
Rédigé par : Sophie Ernst | vendredi 05 février 2010 à 21:35