Lundi 1er mars
La querelle qui oppose la direction du Parti socialiste à Georges Frêche relève sans doute de l’anecdote : d’un côté, un autocrate au verbe intempérant, régnant sur sa clientèle politique, de l’autre les instances du parti qui supportent d’autant moins ses écarts qu’il continue à dominer une région bien qu’exclu du parti. Aux malveillants, le parallèle pourrait être tentant avec Jacques Doriot, maire de Saint-Denis, réélu en 1935 après avoir été exclu l’année précédente du Parti communiste de Maurice Thorez. On sait ce qu’il en advint : la fondation en 1936 du PPF et la dérive fasciste. Rien à voir sur le fond entre ces deux-là : on ne fera pas de Georges Frêche un autre Doriot. Remarquons seulement qu’il existe des fidélités locales qui transgressent les enjeux nationaux..
Plus intéressant est la posture antiparisienne de Georges Frêche, parce qu’elle exprime un sentiment profond. Il n’a renoncé qu’à regret à appeler son Languedoc-Roussillon la « Septimanie » — dont l’étymologie est discutée. Pour certains, il s’agissait à l’origine d’une colonie de vétérans de la septième légion romaine ; pour d’autres, c’était dans le Haut Moyen Age la région des sept villes ou diocèses : Narbonne, Agde, Béziers, Maguelonne, Lodève, Nîmes et Uzès — futur duché de Narbonne soumis aux comtes de Toulouse.
Vouloir réactiver ce vocabulaire antique n’avait rien d’anodin. Il s’agissait d’une autoproclamation d’indépendance vis-à-vis du Nord et principalement de Paris. C’est peu de dire que l’hypercentralisation parisienne construite par la monarchie capétienne, la Révolution et l’Empire, a toujours suscité des sentiments et parfois des actes de rébellion de la part des provinces. C’est à partir de l’Ile-de-France que s’est formé le territoire français, et plus sûrement par la conquête et la violence que par la concorde. Du coup, l’histoire des Cathares a été élevé au rang d’un mythe : celui de la résistance d’un Sud colonisé par la monarchie du Nord.
Georges Frêche a sans doute l’oreille de bien des gens de sa région quand il se dresse contre « Paris » — la direction du PS incarnant en l’occurrence l’arrogance de la capitale. On entend dire là-bas qu’on est méprisé dans les latitudes supérieures de l’Hexagone ; qu’on n’a pas vu de ministre originaire du Languedoc-Roussillon depuis cinquante ans (en oubliant au moins deux noms, à droite, celui de Jacques Blanc, à gauche, celui de Georgina Dufoix). Le président de la région peut asseoir sa popularité sur le ressentiment, dont l’histoire héroïque des viticulteurs languedociens (la geste de 1907) témoigne à sa manière. Aujourd’hui encore, quand les régions s’affirment, c’est souvent contre Paris. On a toujours du mal en France à concilier l’autonomie régionale et l’autorité centrale. Le partage du pouvoir est un apprentissage douloureux.
Paris et la province ! Les plus ardents défenseurs de la décentralisation ne seraient-ils pas les meilleurs des jacobins ? Le terme de "fedéralisme" est frappé d'ostracisme : seul,Bayrou l' utilisé,sans récidiver...Et Mona Ozouf a démontré,si je me souviens bien,que les Girondins ont instrumentalisé la sécession pour combattre les Jacobins,sans y croire vraiment.Ce qui les a discrédités.A vrai dire ,il existe des transferts financiers au détriment de la région-capitale et au profit des autres qui illustrent les limites de toute posture décentralisatrice ou fédéraliste(la différence ,entre elles deux,étant de degré,et non de nature)...cf.les travaux du professeur Rémy Prud'homme,consciemment ignorés par les politiques.
Rédigé par : Blanc | mardi 02 mars 2010 à 14:00