Samedi 26 décembre
Le ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire (ouf !) m’adresse le discours in extenso prononcé par M. Éric Besson à l’Assemblée nationale. On sait que l’auteur n’eut pas grand succès et il n’était pas aisé le lendemain de retrouver dans la presse le contenu de son propos sur « l’identité nationale ». Je suis donc bien aise de savoir au juste ce que veut notre ministre.
L’objet de ce débat est donc l’identité nationale. Mais quelle est la problématique ? Il y a mille façons de parler de la France et de la nation : où veut-on en venir ? Réponse : « C’est parce que nous devons préserver l’unité de notre Nation, la raffermir, que le débat sur l’identité nationale est utile. » On s’étonne : comment un pareil débat pourrait « raffermir» l’unité nationale ? Mais il paraît que le « peuple » s’en « est saisi avec passion » (sic).
Le premier problème est ainsi posé : « Un peuple qui a inventé les ‘’services publics à la française’’, et revendique son ‘’exception culturelle’’, est fondé à s’interroger sur sa capacité à préserver son mode de vie dans un monde chaque jour plus compétitif, plus globalisé. » À ces doutes, il faut apporter des « réponses modernes et républicaines ». Et notre ministre, sans attendre les résultats de son enquête, résume l’aspiration des citoyens : ils « attendent du politique qu’il dessine les contours d’une solidarité moderne face aux forces centrifuges. » Pourquoi débattre puisque la réponse est connue des autorités publiques ? Débat inutile donc : le gouvernement sait ce qu’il faut faire.
L’orateur passe vite au second problème, le vrai : l’immigration : « Dire qu’immigration et identité nationale n’ont pas de lien est un contresens. L’immigration se situe en réalité au cœur de notre identité nationale. Et l’intégration des immigrés est la vocation de notre Nation. » C’est dit, et nous voici au cœur du sujet : « Ce débat sur l’identité nationale ne doit pas être focalisé sur l’immigration, mais il ne doit pas l’ignorer pour autant. » Installation annuelle de 200 000 étrangers non européens en France, 110 000 nationalisations, il faut que tout ce monde-là devienne français. Et notre ministre de proposer diverses mesures : donner un parrain républicain à tout nouvel arrivant, organiser une cérémonie avec serment pour la naturalisation, entonner au moins une fois par an la Marseillaise dans les écoles, mettre en place des cycles d’instruction civique dans les préfectures, combattre les discriminations par les bourses, les internats éducatifs, encourager les entreprises à la diversité de leur recrutement … Ici encore, on a les questions et les réponses empaquetées.
Au terme de cette lecture, deux remarques. Il faut rendre cette justice à M. Éric Besson, cible de toutes les injures, tête de Turc des gazettes, que son discours n’est ni pétainiste ni xénophobe. Il conclut sur la « France ouverte », qui « évolue avec son temps » et qui, « fidèle à ses valeurs », « continue de croire que le but ultime de la politique c’est de favoriser l’émancipation des individus et des peuples ». Mais, évidemment, autre chose est le contenu d’un discours qui ne mange pas de pain et que personne n’écoute, autre chose est l’instrumentalisation politicienne de ce débat, lequel ne ressemble pas à un débat mais à une tentative de re-mobilisation populaire et électorale à partir des peurs réelles de la société.
M. Besson utilise un mot désormais convenu dans la sarcosphère : volontarisme. « Volonté » ne suffit pas, il faut exprimer une sur-volonté, une détermination absolue. Or le volontarisme n’est pas un degré de plus dans la volonté, c’est l’illusion selon laquelle on peut soumettre le réel à ses volontés. Depuis 2007, le « volontarisme » du vainqueur s’est brisé sur quelques réalités à la tête dure.
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.