Lundi 18 janvier
Pourquoi l’intégration ne fonctionne plus pour une partie des « enfants de l’immigration » ? Malika Sorel, auteur de Puzzle de l’intégration, nous prévient, dans un entretien paru dans Le Débat (n°151/sept.-oct. 2008), contre la fausse piste : « la dimension économique est marginale dans la réduction du problème de l’intégration ». L’obstacle, à son avis, provient du socle culturel, de l’héritage des histoires différenciées entre les pays d’origine et le pays d’accueil, du poids de la colonisation aggravé par la culpabilisation et l’autoflagellation des Français « autochtones ». Conséquence : elle réfute le droit du sol qui reconnaît la nationalité française à quiconque est né sur le territoire français — un droit trop généreux, trop naïf, trop confiant. Ce qu’il faut, dans la ligne de la Commission Marceau Long qui, en 1993, avait inspiré le « Code Balladur », c’est de n’accorder la nationalité française qu’aux enfants d’étrangers nés en France qui en auraient manifesté la claire volonté.
L’ambition est louable. Elle avait rallié en 1993 l’adhésion d’intellectuels pas tous de droite, séduits par cette vision de jeunes adultes unanimes prêtant une sorte de serment de fidélité à la République française. En toile de fond, une question lancinante : Pourquoi les Américains y arrivent-ils et pas nous ?
Les choses ne sont pas si simples. Le Code Balladur avait un vice caché : il accordait à ceux qui voulaient (et à quelques conditions supplémentaires) la nationalité, mais les autres ? Étaient-ils condamnés à être d’éternels apatrides ? Le Code modifié en 1998 est plus sage : « Tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans. » Est prévue cependant « une faculté de décliner la nationalité française dans les six mois qui précèdent sa majorité ou dans les douze mois qui la suivent. » Contrairement à l’affirmation de M. Sorel, nul n’est « forcé » de devenir français.
Il y a tout de même le risque, dira-t-on, de voir grandir des cohortes de jeunes gens devenus Français parce qu’ils n’auraient pas refusé de l’être, sans l’avoir vraiment voulu. Mais c’est, historiquement, le lot de bien des Français. L’adhésion vient en marchant : le « vouloir vivre ensemble » n’est pas spontané à dix-huit ans. Ce que l’on doit souhaiter, cependant, c’est de solenniser un acte, préparé par l’école, et qui doit engager celui ou celle qui entre dans la communauté politique française de respecter la loi comme n’importe quel autre Français. L’amour de la patrie ne se décrète pas ; il viendra ou ne viendra pas. L’important est que l’entrée dans la communauté des citoyens se fasse en toute connaissance des principes qui soudent la nation.
Cher Michel Winock,
Je vous remercie vivement de votre référence à mon entretien dans la revue le Débat. Un entretien est bien trop court pour y développer l'ensemble des éléments qui m'ont amenée à considérer que le droit du sol était une machine à créer de la violence. Par la dissonance identitaire qu'il introduit, il place, dans les faits, les individus dans des situations de souffrance telles qu'elles devaient se traduire, tôt ou tard, par le rejet des codes sociaux de la société d'accueil.
C'est avec grand plaisir et un immense d'intérêt que je lirai l'ensemble des critiques que vous voudrez bien formuler à l'égard de ma pensée, quand vous aurez lu mon ouvrage dans son intégralité.
Bien respectueusement,
Malika Sorel
Rédigé par : Malika Sorel | vendredi 12 février 2010 à 00:48