Samedi 6 février
La revue Esprit de ce mois consacre un remarquable dossier au « déclin du catholicisme européen », présenté par Jean-Louis Schlegel. D’où vient qu’aujourd’hui dans un pays comme la France, de longue tradition catholique, on ne compte plus que 5% de la population à pratiquer leur religion (messe dominicale au moins deux fois par mois) ? Les raisons sont évidemment multiples, mais ce dossier met en lumière l’une d’elles, déterminante : l’intransigeance de l’Église romaine sur la contraception.
Cette intransigeance, nous explique l’historien Claude Langlois, n’a pas été de tous les temps. Il nous apprend comment dans la première moitié du XIXe siècle s’était répandue une pastorale compréhensive, à la suite notamment de l’action de l’abbé Bouvier, plus tard évêque du Mans. Tout a changé vers 1850, sous le pontificat de Pie IX ; l’interdit triomphe alors. En 1930, Pie XI, par son encyclique Casti connubii, confirme la mise en cause de la contraception. En 1950, Pie XII rappelle que les couples n’ont qu’un moyen licite de réguler les naissances, la fameuse méthode Ogino sur le cycle féminin — moyen assez sûr pour fonder… les familles nombreuses. Mais le point d’orgue fut l’encyclique Humanae vitae de Paul VI en juillet 1968, qui provoqua une véritable brèche dans la fidélité à l’Église.
Le plus étonnant est que la question de la « contraception chimique » (la pilule) avait été posée aux théologiens du Concile Vatican II, et que ceux-ci à une forte majorité de leur commission avaient voté en faveur de l’autorisation — conclusion ratifiée par la commission des évêques et cardinaux. Mais Paul VI, succédant à Jean XXIII, retire la question du concile et publie Humanae vitae, avec l’aide du cardinal ultra-réactionnaire Ottaviani et du jeune Karol Wojtyla, futur Jean-Paul II. Conséquences catastrophiques. En Allemagne, où l’évaluation est possible par le biais de la fiscalité religieuse, ce sont 30 % des fidèles qui abandonnent l’Église entre 1968 et 1973. Jamais on avait connu pareille hémorragie. Même si l’on manque de chiffres pour la France — un pays qui avait voté la loi Neuwirth en 1967 —, les réactions ont été tellement vives et les opinions tellement hostiles, qu’on peut considérer des désertions de la même ampleur : ce fut, écrit Catherine Grémion, un « vote par la fuite ». Une fuite qui n’a cessé de s’accroître par la suite, sous Jean-Paul II et aujourd’hui sous Benoît XVI. En 2009, la levée de l’excommunication des évêques intégristes, comptant parmi eux Mgr Williamson, antisémite et négationniste montre la tendance. Et quand une excommunication frappe l’entourage de la petite Brésilienne de 9 ans, violée par son beau-père, enceinte de deux jumeaux, dont la grossesse est interrompue sous la responsabilité des médecins, l’indignation est générale mais n’empêche pas certains prélats de justifier la condamnation, tel le cardinal Rè qui déclare à La Stampa : « Les jumeaux conçus étaient des personnes innocentes, qui avaient le droit de vivre, et qui ne pouvaient pas être supprimés. » Le grotesque est atteint par l’archevêque de Recife qui estima que le beau-père violeur était moins coupable parce que, lui, était hostile à l’avortement. »
Le déphasage entre l’Église et la société moderne ne date pas d’hier mais il semble aujourd’hui à son comble.
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