Le Monde
daté du 5 décembre confirme ce qu’on pouvait craindre : d’un échange
annoncé sur « l’identité nationale » on est vite passé à l’expression
d’une peur : celle d’un islam visible et conquérant. Le succès de la
votation helvétique contre les minarets semble avoir délié les langues. Selon
un sondage BVA, 44% des Français estiment que « la religion musulmane les
inquiète plus que les autres ». Henri de Raincourt, ministre des relations
avec le Parlement déclare que « les gens qui viennent chez nous doivent
accepter notre mode de vie ; la mondialisation, ce n’est pas la
dénaturation de son pays. » Le recteur de la mosquée de Bordeaux, Tareq
Oubrou, livre son diagnostic : « La votation suisse contre les
minarets marque un tournant nouveau. Elle déplace ouvertement la crainte de
l’islamisme à une peur de l’islam lui-même. » François Fillon a voulu
corriger le tir dans son discours d’hier : « Ce qui doit être
combattu, c’est l’intégrisme mais surtout pas les musulmans. Il ne faut pas
tout confondre. » Mais le débat lancé par Nicolas Sarkozy et Éric Besson
n’est-il pas une boîte de Pandore d’où s’échappent toutes les formes de la
xénophobie anti-islamique ?
Une des questions du « Guide pour la conduite des
débats locaux » adressé aux préfets contient en elle-même la réponse aux
critiques à la manière populiste : « Pourquoi la question de
l’identité nationale génère-t-elle un malaise chez certains intellectuels,
sociologues ou historiens ? »
On reste stupéfait devant la formulation de cette
autre question propre à justifier tous les fantasmes : « Comment
éviter l’arrivée sur notre territoire d’étrangers en situation irrégulière, aux
conditions de vie précaires génératrices de désordres divers (travail
clandestin, délinquance) et entretenant, dans une partie de la population, la
suspicion vis-à-vis de l’ensemble des étrangers ? »
Dans Le Figaro du 5 décembre, interview de Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre
de François Mitterrand. Il juge qu’on peut débattre de l’identité nationale
mais « à condition que cela serve l’unité nationale, donc en dehors des
périodes électorales ». Ce débat
permet aujourd’hui « des dérapages regrettables. Je pense par exemple
aux propos du maire de Goussainville sur les 10 millions d’étrangers que ‘’nous
payons à ne rien faire’’. » À
ses yeux, ce n’est pas l’islam qui pose problème : il suffit d’appliquer
et de faire appliquer les principes républicains. Le problème, c’est
l’Europe : « La droite et la gauche ont ensemble substitué à la
France l’Europe comme horizon. » Sur
l’intégration, J.-P. Chevènement reste optimiste : « Malgré les
discriminations, l’intégration des jeunes nés de l’immigration par l’école et
l’emploi continue à fonctionner, selon les études de l’INSEE. Cessons de
culpabiliser la République ! »
L’ouvrage des sociologues Claudine Attias-Donfut et
François-Charles Wolff, Le Destin des enfants d’immigrés, confirme en partie cette dernière remarque de J.-P.
Chevènement. Pour eux, la réalité de l’intégration de la majorité des immigrés
est occultée, la discrimination n’est pas aussi répandue qu’on le pense.
Claudine Attias-Donfut note toutefois, dans une déclaration au Monde (4 décembre) que toutes les catégories
d’ « enfants d’immigrés » ne sont pas à la même enseigne —
notamment les « Algériens » : « Chez une partie des
Algériens, c’est l’héritage de la guerre d’Algérie et des relations tourmentées
entre la France et l’Algérie qui pose problème. Ce passé ne passe pas et
suscite un ressentiment à l’égard de la France, le sentiment de ne pas être
aimé. »
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