Jeudi 18 mars
Connaissez-vous Plantin ? Christophe Plantin ? Si c’est non, ne cherchez pas de faux-fuyants : vous êtes aussi nuls que moi. Il était temps que nos faiseurs de programmes d’histoire réparent cette lacune et fixent les idées des futurs élèves de seconde sur ce personnage capital : Plantin, le livre et l’humanisme. Vous conviendrez que c’est autrement chic qu’une vulgaire question sur Gutenberg. Plantin, si vous voulez le savoir, était un imprimeur français réfugié à Anvers qui fit sortir de ses presses « de nombreux ouvrages d’érudition et des livres liturgiques ». Ma science est toute fraîche, elle vient du Larousse.
Voilà un exemple parmi d’autres que je lis dans ce projet de programme, contenant le meilleur et le pire, et dans lequel des questions bateaux voisinent avec des sujets destinés à des étudiants en mastère, telle cette autre question : Émilie du Châtelet et la diffusion des idées de Newton, (quelque admiration que j’aie pour Élisabeth Badinter).
Qu’il faille périodiquement revoir les programmes d’histoire de l’enseignement scolaire est une évidence : on sait que le questionnement du passé évolue et s’enrichit avec les années qui passent. Encore faut-il savoir prendre son temps. Qu’est-il besoin de se précipiter ? Une bonne année eût été nécessaire pour construire autre chose qu’un programme bâclé. Mais non ! il sera dit que notre Président, notre gouvernement, notre ministre de l’Éducation nationale sont des hommes d’action diligents. Et l’on vous promet des manuels pour la rentrée : le « couper-coller » fera merveille.
Un des thèmes qui émeut le plus nos collègues est le remplacement de la Méditerranée au XIIe siècle par La civilisation rurale dans l’Occident chrétien médiéval IXe-XIIIe siècles. Question classique si l’on veut, mais qui fait passer le monde musulman à la trappe : la confrontation des cultures médiévales est sans doute un de ces sujets qui fâchent.
Ce programme de seconde ne sera rendu officiel qu’en avril. Espérons que d’ici là notre ministre aura entendu les critiques multiples et détaillées qui affluent vers lui.
c'est un canular,plus c'est gros et mieux ça passe,vous oubliez Hildegarde de Bingen,on flirte avec le psychiatrique,on va bien rire l'an prochain...
Ils auraient aussi pu mettre dans la galerie de portrait le bon roi Dagobert qui a mis sa culotte à l'envers,lui aussi un avant gardiste,un exemple pour tous...
Rédigé par : eric luce | jeudi 18 mars 2010 à 14:42
Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je lus ce que vous écrivez ici. Comment aurions-nous pu penser qu'on pût supprimer un sujet si passionnant et autant d'actualité que "La Méditerranée au XIIe siècle"? Dans une époque où l'on se désole de voir émerger un certain repli communautaire, une aversion à l'égard de l'immigration, voire un essor de l'islamophobie,dans le sens d'une hostilité particulière à l'égard des musulmans, largement alimenté par la perversion du débat sur l'identité nationale, pourquoi ne nous attardons-nous pas sur cette période de contacts entre populations, sur cette période d'acculturation, voire de syncrétisme culturel comme ce fut le cas notamment en Sicile? La rencontre de trois civilisations, arabo-musulmane, byzantine, et chrétienne d'occident, fut le point de départ de relations intenses, qu'elles aient été conflictuelles, d'ordre commercial ou bien qu'elles aient développé des influences culturelles chez chacune. Ma tristesse serait profonde si cette décision venait à se confirmer. Bien entendu, la question de la civilisation rurale dans l'Occident chrétien aux IXe-XIIIe siècles est très intéressante, nous l'étudions d'ailleurs en ce moment-même en hypokhâgne. Seulement, dans un contexte de discrimination géographique envers la majeure partie des immigrés, dans un contexte où les préjugés envers les uns et les autres s'étendent, ne doit-on pas sauvegarder ce chapitre de notre histoire commune à tout le bassin méditerranéen au lieu d'un sujet se restreignant à l'Occident chrétien? L'école de la République ne serait-elle plus ce le lieu d'union entre tous ces futurs citoyens dans l'optique de faire naître chez eux le sentiment d'appartenance nationale? Je pense que la situation actuelle trouve des similitudes avec celle de la fin du XIXe siècle. Le sentiment d'appartenance nationale était le but recherché pas les Républicains. Or ne sommes-nous pas également dans cette logique? Bien-sûr, la raison est toute autre, le régime républicain est maintenant bien ancré et n'est pas dans une optique de revanche militaire comme jadis. Seulement, l'État cherchait à l'époque à effacer les particularismes régionaux afin de constituer une nation. Aujourd'hui, le sentiment d'appartenance nationale se heurte à la montée du communautarisme qui connaît son origine entres autres causes dans les préjugés que peuvent avoir certains groupes d'origines ethniques différentes à l'égard des autres. Aussi, l'enseignement de l'histoire de la Méditerranée au XIIe siècle pût être un moyen, certes restreint, mais un moyen tout de même de renforcer ce sentiment d'appartenance nationale et de pallier un potentiel conflit socio-ethnique.
Rédigé par : Charlot76 | jeudi 18 mars 2010 à 18:51
Outre les sujets extrêmement pointus (mais à traiter en 2h, je ne connais pas Plantin non plus), il faut aussi souligner le retour en force de la démographie. Trois thèmes d'histoire géographie sont concernés sans que l'on explique aux enseignants l'intérêt de cette redondance. Une spécialité "à la mode" dans les années 50/60, tout comme le monde rural médiéval catholique.
Il est assez rare que les "remontées" soient entendues, souvent pour une question de temps: fin des "remarques" des enseignants le 12 mars et officialisation des programmes quelques semaines après..
Rédigé par : J Laplace | vendredi 19 mars 2010 à 01:47