Samedi 13 mars
Un journaliste italien me pose cette question, à propos de Madame de Staël, publié récemment : « Comment a-t-elle fait pour concilier son patriotisme avec son hostilité à Napoléon lorsque les troupes de la coalition antifrançaise ont envahi le territoire national en 1814 ? »
De fait, la question était réelle pour elle comme pour tous les adversaires français de Napoléon, à l’exception sans doute des « émigrés de Coblence ». Mme de Staël, qui était alors en Angleterre, appelait de ses vœux la déchéance de l’Empereur mais non la défaite ultime des armées françaises. Elle a rêvé que le despote mourrait au combat tandis que ses troupes repousseraient l’envahisseur. Quand la vie vous impose un dilemme insurmontable, la tentation est de le dépasser par l’imaginaire.
Les ennemis français de Napoléon étaient divers. Mme de Staël n’appartenait ni aux contre-révolutionnaires ni aux jacobins. Elle souhaitait la chute de Napoléon, mais à condition que le régime qui succèderait à l’Empire serait le régime espéré en 1789 : les droits de l’homme et la liberté. La restauration des Bourbons pouvait signifier — elle était même souhaitée par le comte d’Artois et les « ultras » comme — le retour à l’Ancien Régime. Mme de Staël s’est finalement ralliée à Louis XVIII après que celui-ci eut proclamé la Charte, base d’une monarchie constitutionnelle et libérale. Dans les brèves années qui lui restaient à vivre (elle est morte en 1817), elle a combattu de toutes ses forces les ultras.
On voit ainsi qu’en 1814, la fille de Necker était doublement préoccupée par la guerre, par la menace de l’occupation étrangère et la menace d’une restauration de l’absolutisme. Comme elle était une femme d’action, elle a tenté de faire triompher, en s’appuyant sur l’amitié du tsar Alexandre Ier, une solution qui satisferait à la fois son patriotisme et son libéralisme : faire promouvoir par les Alliés à la tête de la France l’ancien maréchal d’Empire devenu Prince royal de Suède, Bernadotte. C’était encore un rêve, mais l’intrigue fut poussée assez loin.
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