Mardi 9 mars
« Ayant poussé la porte étroite qui chancelle,/Je me suis promené dans le petit jardin… » Je me remémorais ces vers de Verlaine en passant ce matin devant le 27 rue Jacob, Paris 6e. Il y a de ces adresses qui vous font battre le cœur un peu plus vite. C’est, au cœur de Saint-Germain-des-prés, un petit hôtel précédé d’une courette où végète un if sans grâce particulière, mais vu à travers les grilles de la porte d’entrée cela a donné le logo des éditions du Seuil, qui déménagent ce mois-ci au-delà du périphérique.
Sans être de tempérament nostalgique, j’éprouve une vraie tristesse. Je me demande du reste pourquoi, s’il fallait déménager le gros de la maison qui en grandissant s’était éparpillée dans tout le quartier, le « 27 » n’a pas été conservé. Il appartenait à la famille Flamand, fondateur de la maison en compagnie de Jean Bardet. Les héritiers auraient pu faire un geste, une concession, faire survivre ce lieu de mémoire par une location acceptable.
C’est après la Seconde Guerre mondiale que Flamand et Bardet avaient installé leur petite entreprise d’alors au 27 rue Jacob, une adresse qui était devenue légendaire et le titre du bulletin annonçant les publications de chaque office. Je me souviens, comme dirait Georges Pérec, je me souviens de ma première rencontre avec Paul Flamand, qui avait son bureau au premier étage. Nous venions de publier Les Communards, Jean-Pierre Azéma et moi, dans la collection « Le Temps qui court ». Une de ces rencontres qui vous marquent à tout jamais. C’était en 1964. Cinq ans plus tard, Paul Flamand me proposait de poursuivre l’édition du « Temps qui court » qui avait perdu le souffle. Commençait alors pour moi cette collaboration avec le 27 rue Jacob qui devait se prolonger trente cinq ans, avec les collections Points-Histoire, L’Univers historique, XXe siècle…
Mais je sens bien qu’en moi quelque chose est fini. (du même Verlaine, dans Amour).
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