Samedi 23 janvier
Lors d’une réunion lundi dernier à l’université populaire d’Arcueil, un participant s’interroge : « Pourquoi, alors que l’histoire de la gauche est liée à son combat laïque contre l’Église catholique, aux lois scolaires de Ferry, à la loi de Séparation de 1905, pourquoi la gauche d’aujourd’hui est si timide devant la religion musulmane ? » Mon interlocuteur suggérait la réponse dans sa question : ne s’agit-il pas là d’un phénomène de culpabilisation due au passé colonial de la France, à la guerre d’Algérie ? Avec en plus une sensibilité tiers-mondiste ? La peur d’être classé raciste ?
L’explication est sans doute complexe, mais l’observation demeure : la gauche est régulièrement divisée sur l’attitude à prendre dans les « affaires » qui concernent l’islam en France. En 1989, Lionel Jospin, alors ministre de l’Éducation nationale, eut à traiter de la première affaire de foulards islamiques, qui avait éclaté dans un collège de Creil. Embarrassé, le ministre renvoya la balle au Conseil d’État, lequel renvoya la balle aux chefs d’établissement qui seraient habilités « à autoriser ou interdire le foulard islamique ». Quelques jours plus tard, le Premier ministre Michel Rocard, lors d’un comité directeur du Parti socialiste, assurait « que le port du voile à l’école publique exprime une conception inacceptable des rapports entre hommes et femmes et doit être fermement dissuadé ». La dissuasion fut si peu efficace qu’on en est venu, sous la présidence de Jacques Chirac, à une loi qui, en février 2004, interdit à l’école le « port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ». Cette fois, 140 députés PS sur 149 votaient la loi.
Nous voici aujourd’hui dans l’affaire de la « burqa ». D’après un sondage publié par Le Point, les électeurs de droite en nette majorité sont favorables à une loi d’interdiction du voile intégral. La gauche, elle, est partagée : 46 % d’avis favorables contre 48 % d’avis opposés. Le rejet de la loi est encore plus net chez les sympathisants du seul PS : 42 % pour, 52 % contre — alors que les partisans du Modem sont à 75 % favorables.
Est-ce à dire qu’il y aurait deux opinions en France dont la ligne de clivage traverse la gauche : d’un côté ceux qui défendent « une société homogène où prime l’adhésion aux valeurs communes » par opposition à un communautarisme menant aux « formes molles de l’apartheid » (je reprends les termes de Michel Rocard en 1989) et, en face, les défenseurs d’une « société multiculturelle » se réclamant de la « diversité » ?
Il existe cependant une position médiane : celle des adversaires de la burqa et du communautarisme se méfiant d’une loi « liberticide » ou impossible à appliquer.
(À suivre)
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