Vendredi 18 décembre Comme je l’écrivais dès le début de ce blog, l’intitulé « identité nationale » collé sur le débat officiel, gouvernemental et préfectoral, dissimule la vraie question, celle de l’intégration (et de ses ratés), dont le principal obstacle paraît clairement être l’islam. Le mercredi 16 décembre, Nicolas Sarkozy confirmait sur Canal +qu’il s’agissait de réfléchir « aux conditions d’intégration des étrangers accueillis dans l’hexagone ». Par ailleurs, en commençant sa grande tribune du Monde par un développement sur la votation suisse hostile aux minarets, il ne laissait plus de doute sur le sens du débat : l’islam. Et plus encore que l’immigration en général, puisque la majorité des musulmans vivant en France sont français. La grande presse ne s’y est pas trompée. Le 3 décembre, Le Figaro reprenait, via l’IFOP, la question posée aux Suisses sur l’interdiction des minarets : 46% des sondés contre 40 y étaient favorables (14% sans réponse). Comme l’écrivait le commentateur de l’institut de sondages : « La crispation autour de l’islam n’a jamais été aussi forte. » Une semaine plus tard, le 10 décembre, Le Parisien publiait un sondage du CSA : « Selon vous, la pratique de ces religions [catholique, juive, musulmane] est-elle compatible avec la vie en société ? » Réponses : 82% jugent la religion catholique « compatible » ; 72% la religion juive ; 54% la religion musulmane. Une majorité de Français, cette fois, tolère l’islam (contre 40%). Ces sondages donnent le tournis, mais iol est intéressant de saisir l’évolution. EN 2003, 57% estimaient que les musulmans formaient ‘un groupe à part » ; en 2008, le chiffre tombait à 48%. Cette fois les réfractaires à l’idée d’une compatibilité avec « la vie en société » ne sont plus que 40%. Autre donnée : ce sont les tranches d’âge les plus élevées qui sont les plus hostiles : 68% des moins de 30 ans jugent l’islam « compatible » et 36% seulement des plus de 75 ans. Des chiffres qui tendraient à prouver une tolérance croissante en France à l’égard de l’islam. Est-ce à dire que l’optimisme va de soi ? Qu’il suffit de laisser couler le temps pour parvenir à la coexistence pleinement pacifique entre les non-musulmans et l’islam ? Je ne le crois pas si un compromis entre la religion musulmane et la communauté historique et politique française n’a pas lieu. D’un côté, les Français de tous âges doivent comprendre et accepter que l’islam est devenu la deuxième religion du pays ; qu’elle a droit de cité et lieux de prières ; que les Français musulmans sont des Français à part entière. D’un autre côté, les musulmans et leurs imams doivent s’adapter sans arrière-pensée à la loi française : laïcité et égalité des sexes. L’espoir que nous devons partager avec l’avant-garde des élites musulmanes de France, c’est de voir la formation progressive d’un islam français. Cela prendra du temps. Le contexte international, les guerres du Proche et du Moyen Orient, n’y prédisposent pas : la peur favorise le rejet et le rejet favorise le communautarisme. N’oublions pas cependant qu’il a fallu plusieurs décennies pour parvenir à la coexistence acceptée entre l’Église et la République. Ni les lois scolaires des années 1880 ni la loi de Séparation de 1905 n’ont obtenu l’aval des catholiques, eux-mêmes encouragés au refus par le pape. Ce n’est que peu à peu que l’apaisement s’est imposé ; il a fallu attendre la IVe république pour que des catholiques deviennent chefs de gouvernement. Jusque-là la légitimité républicaine, c’est-à-dire laïque, leur faisait défaut. On me dira que les guerres mondiales (l’Union sacrée puis la Résistance) ont accéléré le processus, et l’on ne souhaite pas en passer par là. Oui, mais l’islam n’est pas unifié comme l’est le catholicisme sous le magistère romain : un islam français semble disposer d’une marge d’autonomie pour s’adapter à la République. Quoi qu’il en soit, le chemin du rapprochement à parcourir appartient aux deux parties.
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