Mercredi 30 décembre
Si on faisait le point sur la « burqa » ?
1. Le vocabulaire : burqa est le voile qui recouvre totalement le visage, tout juste grillagé pour pouvoir se mouvoir ; niqab désigne le voile noir qui laisse seulement les yeux à découvert. Les membres de la commission parlementaire ad hoc ont décidé, pour éviter toute impropriété, de parler du « voile intégral ».
2. Le port de ce voile intégral concerne aujourd’hui environ 1200 femmes en France, majoritairement de nationalité française, dont une minorité de converties.
3. Le voile intégral n’a jamais été une prescription coranique, mais celle de groupuscules soi-disant « salafistes ».
4. L’expansion de ce voile en Europe est interprétée comme un élément de la stratégie islamiste — « une stratégie de grignotage », selon l’expression d’Abdelwahab Meddeb : « les militants sont exhortés à agir dans la légalité afin de gagner, en Europe, des parcelles de visibilité en faveur de la loi islamique ». Le port de la « burqa » est une provocation politique.
5. L’irruption de cette tenue dans l’espace public ayant ému nombre de Français, qui y voient un état de soumission (volontaire ou non) de la femme, les politiques de droite et de gauche, redoutant sa contagion, examinent la possibilité d’une interdiction légale.
6. Les adversaires d’une telle loi ne manquent pas. Pour certains, cette tenue en vaut d’autres — et elle ne compte qu’une faible minorité d’adeptes. D’autres, se plaçant sur le terrain juridique, considèrent qu’une loi pareille — parce qu’elle porte atteinte aux libertés fondamentales — serait promise à la censure du Conseil constitutionnel : « À partir du 1er mars 2010 et l’entrée en vigueur de la nouvelle disposition, tout justiciable, explique Dominique Rousseau, professeur de droit à Montpellier-I (dans le Journal du dimanche, 27 XII-2009), pourra soulever devant le juge l’inconstitutionnalité de cette loi. »
7. Depuis la dernière réforme constitutionnelle, les résolutions sont de nouveau permises au Parlement. Il s’agit de déclarations sans conséquences légales — comme cela existait sous la IVe République. Certains politiques souhaitent s’en tenir là, quitte à laisser aux collectivités locales de décider d’une réglementation.
8. Le rapport de la commission chargée du dossier doit être déposé à la fin de janvier 2010. Trop long pour M. Jean-François Copé qui annonce le dépôt d’un projet de loi par l’UMP sans plus attendre !
9. On attendait des autorités du culte musulman une mise au point publique, mais l’amalgame courant entre « burqa » et « voile islamique » les retient. Attitude dommageable : se démarquer des groupuscules serait pour les imams un gain de respectabilité pour leur religion. Seuls des Français musulmans isolés — comme Meddeb cité plus haut — se livrent à cet éclaircissement nécessaire. L’ensemble des musulmans de France redoutent que le débat et l’éventuelle discussion de la loi « anti-burqa » ne soient l’occasion d’une nouvelle offensive contre eux.
10. Le législateur éventuel sera avisé de prendre des gants, comme il l’avait fait dans l’affaire du foulard islamique à l’école en intégrant la question du voile dans celle, élargie, des « signes ostentatoires » d’appartenance religieuse. La loi ne peut qu’être générale et non viser un cas particulier. L’imagination des juristes favorables (on a vu qu’ils ne l’étaient pas tous) est mise à l’œuvre.
Burqa ou niqab, le débat ne devrait pas se situer à un niveau religieux.
Le regard et le visage tiennent un rôle primordial dans la communication verbale et non-verbale. Ils sont à l'origine de facultés développées chez l'être humain (et autres animaux) qui consistent:
- à pouvoir découvrir un être dans son environnement
- à être capable d'en connaître ou reconnaître l'identité
- à choisir l'attitude relationnelle à adopter avec cet être
(éventuellement à s'en méfier ou s'en défendre en cas de danger)
Notons au passage que ces facultés de communication, de reconnaissance et de réaction face à l'environnement, sont déjà présentes chez les nourrissons, quelque soit leur sexe, race et croyance.
De plus, le refus unilatéral de ces facultés de la part d'une minorité qui dissimule son visage, peut être interprétée comme une négation du genre humain dans ses droits naturels. (découvrir son environnement, le reconnaître, communiquer et assurer son intégrité)
Personnellement, je ne suis donc opposé à tout vêtement, accessoire vestimentaire, accoutrement (religieux ou pas) porté en permanence en lieux publics, et dont le but et/ou les effets sont de dissimuler l'identité, la physionomie et l'expression du visage vis-à-vis d’autrui.
Bertrand
http://www.la-convergence-ethique.org/
Rédigé par : Bertrand | dimanche 17 janvier 2010 à 00:37