Deux nouvelles biographies de Leni Riefenstahl, signées de Jürgen Trimborn et Steven Bach, viennent de paraître simultanément en langue anglaise. Encore ? On croyait pourtant tout savoir de la cinéaste préférée de Hitler, de la réalisatrice du "Triomphe de la Volonté" et des "Dieux du Stade", de cette femme morte plus que centenaire en 2003 qui, en dépit de ses relations proches avec Hitler, nia avoir jamais été nazie elle-même et avoir su quoi que ce soit du destin des Juifs. Eh bien on apprend de nouvelles choses qui permettent de balayer une bonne fois pour toute l'image de la Leni Riefenstahl ignorante des atrocités nazies.
Actrice et réalisatrice célèbre dès avant 1933, elle commença par congédier son associé Bela Balasz (qui était juif) avant de le dénoncer à Julius Streicher, rédacteur en chef de "Der Sturmer" et antisémite forcené. On lira des choses intéressantes sur le voyage de Leni Riefenstahl aux Etats-Unis en 1938, qui survint au moment de la nuit de Cristal (novembre 1938). Interrogée à ce sujet par les Américains, elle nia l'évidence et fit scandale, de telle sorte qu'Hollywood se détourna d'elle.
Pendant la guerre, cinéaste officielle du régime nazi, tout était possible, y compris un film sur l'armée allemande en Europe de l'Est. C'est alors que survint un événément qui interrompit son équipée : elle assista par hasard à un massacre à Konskie, une bourgade de Pologne, et en fut choquée...
Plus tard, pour son nouveau projet de film, elle fit appel à des Gitans, arrêtés par les Nazis en attente d'être déportés et gazés à Auschwitz. Elle connaissait leur destin, en dépit de ses affirmations, elle qui était proche de Streicher qui se vantait de la politique d'extermination du 3e Reich. A la fin de la guerre, elle affirma tranquillement qu'elle connaissait pas l'existence des camps, puis, sans craindre la contradiction, qu'elle avait agi sous la contrainte par peur d'être déportée ! Leni Riefenstahl dut passer le reste de sa vie à se défendre. Elle le fit avec suffisamment d'efficacité et d'aplomb pour semer le doute. Sans jamais exprimer le moindre remord, elle survécut à ceux qui l'avaient connue jadis, dans ses années de gloire, d'une beauté à couper le souffle, quand elle était fêtée par les dignitaires nazis et que, au-dessus du volcan, elle fermait les yeux.
Comme d'autres artistes ayant collaboré à la diffusion d'idéologies totalitaires par leurs créations, fussent-elles originales, "géniales", etc., la cinéaste porte une part de responsabilité dans l'imprégnation nationale-socialiste de la société allemande durant seconde moitié des années 30.
En filmant les grands rassemblements nazis et les JO de Berlin (1936), si Leni Riefenstahl a effectivement "inventé" certains codes du reportage et du documentaire contemporains, son esthétisation des manifestations collectives de la politique hitlérienne fut réelle et efficace. Ses innovations formelles sont encore utilisées lors de grands événements sportifs, politiques et culturels. C'est le paradoxe des inventeurs sous les dictatures, ce qui ne disculpe pas Leni Riefenstahl d'une adhésion, souvent enthousiaste, à la mise en place d'un régime génocidaire.
Durant la Seconde guerre, la cinéaste resta en retrait, mais le mal était fait, si j'ose dire. Elle avait mis son talent visionnaire au service d'une dictature dont elle ne ne pouvait pas ne pas savoir les conséquences alors qu'elle appartenait aux premiers cercles du pouvoir hitlérien durant les années 30.
Rédigé par : CLAUDE René | 09 avril 2007 à 13:12