Le mot claque comme un pavillon à la poupe d'un vaisseau du roi. Dans le sens de "marine militaire" sous l'Ancien Régime, par opposition à "marine marchande", le mot ne se prête apparemment à aucune ambiguïté. C'est ainsi que lorsque Daniel Dessert publie en 1986 son excellent livre, La Royale, sous-titré Vaisseaux et marins du Roi Soleil, il n'éprouve pas le besoin de justifier le titre. En fait, cet emploi du mot Royale comme substantif féminin doté d'une majuscule, au sens de "marine de roi", pose un curieux problème historique. Jusqu'à preuve du contraire, aucun document administratif, aucune correspondance privée des XVII° et XVIII° siècles n'emploie ce mot. Ni le dictionnaire de Furetière (1690), ni celui de Trévoux (1740) ne le cite dans ce sens, pas plus que les dictionnaires des XIX° et XX° siècles (Littré, Larousse, Robert). Pourtant de nombreux historiens du XX° siècle (mais pas tous) utilisent ce terme dans le sens de marine militaire d'Ancien Régime, sans signaler qu'il s'agit non de l'emploi d'un terme de l'époque (dont ils auraient été bien en peine de citer un seul exemple), mais d'un néologisme. Certes, l'anachronisme est moins grave que beaucoup d'autres, mais choque pourtant sous le plume d'historiens. En fait, l'origine, vite oubliée, de cette expression est à chercher dans l'installation, depuis 1792, du Ministère de la Marine au 2 de la rue Royale baptisée ainsi de 1757 à 1792, puis à partir de 1815. L'un de nos meilleurs historiens de la marine, l'amiral François Bellec, écrit dans la préface de son dernier ouvrage De la Royale à la Marine de France (2004) : "La Marine Nationale s'agace un peu qu'on la gratifie de Royale, comme par métonymie eu égard à son adresse, alors qu'elle est depuis l'instauration de la République une des composantes indéfectibles de ses forces armées ". Une seule réserve à cette excellente mise au point : je ne suis pas sûr qu'un certain nombre d'officiers de marine ne soient pas plus flattés qu'agacés de cette qualification injustifiée.
je ne me doutais nullement de cela. J'étais moi aussi persuadée que c'était plutôt en raison d'un quelconque roi qui avait doté la marine de ce nom prestigieux.
Agréable de voir qu'il y a des bonnes notes sur le net.
Merci
Rédigé par : ennorab | 02 mars 2008 à 22:30
Etant un ancien de "la Royale", j'avoue que ce terme était souvent utilisé dans la Marine Nationale et je suis d'accord avec François Lebrun sur le fait que certains officiers sont flattés par cette qualification.
Rédigé par : Stephane | 11 février 2008 à 20:41