Relatant les derniers jours de Louis XIV, Saint-Simon rapporte que le 31 août 1715, veille de sa mort, son entourage lui administra "le remède de feu l'abbé Aignan", ajoutant : "Les médecins consentaient à tout parce qu'il n'y avait plus d'espérance". Le remède du père Aignan, capucin mort en 1709, est alors plus connu sous le nom de "baume du père Tranquille", ou plus simplement "baume Tranquille". Dans une lettre qu'elle adrese à sa fille, le 5 novembre 1684, Mme de Sévigné écrit : "Pour votre côte, j'ai envie de vous envoyer ce que j'ai de baume Tranquille", et le 24 avril 1689, elle lui écrit à propos de la duchesse de Chaulnes avec laquelle elle se rend à Rennes : "Mme de Chaulnes eut avant-hier au soir un si grand mal de gorge qu'à Paris on aurait saigné d'abord; mais ici elle fut frottée à loisir avec du baume Tranquille". Elle revient à plusieurs reprises dans sa correspondance sur ce remède dont elle ne cesse de vanter les vertus. Il s'agit d'une infusion dans de l'huile d'olive de plantes narcotiques, dont la jusquiame, et de plantes aromatiques. Ce baume est souverain dans toutes sortes de maux, notamment les douleurs rhumatismales. On attribue son invention, dans les années 1660, à un capucin, le père François d'Aignan, protégé du Grand Condé qui lui a installé au Louvre un laboratoire où, aidé d'un de ses confrères, le père Rousseau, il poursuit des recherches en pharmacopée. Ils sont appelés bientôt les "capucins du Louvre" et par Mme de Sévigné, les "pères Esculape", cependant que le père Aignan est surnommé le père Tranquille, peut-être par allusion à son remède dont les vertus apaisantes assurent une partie du succès. Le baume tranquille, comme on dira très vite en oubliant la majuscule, traversera les siècles, selon des formules quelque peu variables selon les époques, et il est vendu aujourd'hui encore dans quelques pharmacies selon le Formulaire de 1974.