L'année Vauban a bon dos !
Les éditions de Fallois proposent une nouveauté qui ne peut passer inaperçue : Vauban de Daniel Halévy. Nombre de lecteurs se montreront très certainement séduits par l'idée de découvrir une biographie renouvelée du "vagabond du roi". Or, rien n'indique, à première vue, qu'il s'agit là d'une étude publiée par Grasset en... 1923 (reconnaissons tout de même que cette date apparaît, furtivement, en petits caractères, au bas de la page 3, mais il faut avoir l'oeil attentif et c'est là le seul indice...).
Loin de moi l'idée de critiquer ce texte, parfaitement recommandable, nourri de multiples sources, abondamment citées et commentées. Mais nous sommes bien dans la France de l'après première guerre mondiale : "nul homme n'a davantage marqué le sol de sa patrie..." C'est ainsi que débute cette étude qui s'achève par un vibrant hommage aux ingénieurs de 1914 qui surent faire jouer les portes protégeant Dunkerque disposées par les ingénieurs de 1680. "En plus d'un lieu, les ouvrages de Vauban, construits à la limite des eaux, reçurent les obus allemands, et leurs briques, leurs gazons séculaires protégèrent nos vies" : ce patriotisme à fleur de peau colore l'ensemble de cette biographie qui en dit autant, finalement, sur la France blessée des années 1920, que sur celle de Vauban.
Mais de cela, pas un mot, pas une préface de l'éditeur pour replacer ce texte dans son contexte, rien sur les multiples études qui ont renouvelé, depuis 1923, notre connaissance et notre compréhension de l'ingénieur du roi de guerre : la référence la plus récente à une étude sur Vauban est celle de Georges Michel, auteur d'un "Vauban économiste" en ... 1871. Bref, rigoureusement aucun travail éditorial digne de ce nom (une bibliographie à jour, par exemple) : il s'agit simplement de vendre du papier, à peu de frais, puisque le livre étant paru au début des années 1920, il n'y a plus de droit d'auteur...
Il y a pire encore : la publication chez Paleo dans la collection "Sources de l'histoire de France" d'un Journal de Louis XIV. Un jeune chercheur a failli utiliser ce livre comme un document véritable en l'intégrant à sa propre recherche et j'ai du l'en dissuader. Car, il s'agit d'un faux grossier : la reprise d'un pastiche de François Bluche, publié en 1997 (éditions du Rocher) d'un supposé journal que Louis XIV n'a jamais écrit... Et cette fois encore, nul avertissement de l'éditeur, nul mention pour informer le lecteur de cette supercherie dans une collection qui publie par ailleurs de véritables documents historiques.
Ces deux exemples, dissemblables sans doute, posent le même problème : celui de la plus élémentaire honnêteté intellectuelle et éditoriale due aux acheteurs de ces étranges objets imprimés.
Joël Cornette
Concernant le faux journal de Louis XIV, je voudrais juste signaler que le diffuseur des éditions Paleo est au courant. Quand je lui ai présenté la véritable nature du texte, il a constaté que ce "journal" n'avait aucunement sa place dans la collection des Sources de l'Histoire de France. Il m'a affirmé qu'il préviendrait l'éditeur. Je pense que la balle est dans le camp de l'éditeur.
Rédigé par : Fadi El Hage | 17 avril 2007 à 19:36